Les deux éléments de base essentiels à la méditation sont la reconnaissance et la pratique de ce don offert à tous gratuitement. Pour méditer donc, il n’est pas nécessaire de se faire moine, du latin « monachus » et du grec « monachos » homme solitaire : cette mission me semble irréelle. Comme chacun le sait, il n’est pas bon que l’homme soit seul. Cependant, même dans la plus grande des solitudes, l’être humain n’est jamais seul, il y a toujours quelqu’un, des personnages intérieurs qui l’interpellent avec qui il se doit d’entrer en amitié, en dialogue. Cette relation intime permet soit d’avancer ou de reculer, soit de s’accroître ou de se diminuer, tout est dans la façon de l’exercer. S’accroître donc, pour s’achever, pour se dépasser. S’accroître, c’est aussi exercer une pression et écarter des obstacles. Avancer : faire l’effort de prospérer (de prosperari, réussir). C’est pratiquer la résilience, aptitude à surmonter une épreuve, un stress. En somme, être résilient ou résister. Ainsi, s’agrandir c’est se retrouver face à face avec soi-même : tel est le défi proposé à tous. Ce défi permet de découvrir ce pour quoi l’on existe. Il nous force à donner un sens à sa vie, à vivre le plus pleinement possible. On se rappellera l’adage de Socrate «Connais-toi toi-même et tu connaîtras l’univers et les dieux ». Une invitation à faire un retour sur soi-même, à redevenir humain, simplement humain, là est le véritable défi : la quête de son être, de son absolu, de sa totalité, qui nous oblige à progresser. Dans son cheminement intime, Augustin en quête de son absolu, qui pour lui était Dieu écrit : « Je te cherchais au-dehors de moi et tu étais au-dedans.» Dieu dit, à Abraham genèse 12,1 :« Va vers toi et devant toi je t’indiquerai le chemin.»
Méditer donc, conduit à l’effort pour être/soi. Deux mots qui semblent s’opposer et se compléter. Je n’ai pas choisi l’être que j’ai reçu, ni les parents, ni le milieu où je suis né. Tandis que devenir soi-même dépend beaucoup de moi en prenant en compte l’effort et les autres. «L’effort est pénible, écrit Henri Bergson, mais il est aussi précieux, plus précieux encore que l’œuvre à laquelle il aboutit, parce que grâce à lui, on a tiré de soi plus qu’il n’y en avait, on s’est hissé au-dessus de soi-même. » De la création de soi surgit la joie. Partout où il y a création, il y a de la joie. La joie indique que nous sommes sur le bon chemin. Henri Bergson ajoute : « Où il y a de la joie, il y a création, plus riche est la création, plus profonde est la joie (…) l’agrandissement de la personnalité par un effort qui tire beaucoup de peu, quelque chose de rien, et ajoute sans cesse à ce qu’il y avait de richesse dans le monde.»
Méditer, en personnalogie, est une pratique mentale qui présuppose un acte volontaire et un effort tangible, qui consiste à concentrer son attention sur un objet au niveau de la pensée, des émotions et des sentiments en choisissant la voie à suivre et l’aptitude appropriée. C’est l’aptitude qui nous mène à la méditation non pas la parole : l’aptitude est cette disposition innée qui porte une énergie presque indestructible. Dans une approche plus spirituelle, la méditation devient une voie progressive vers la réalisation du Soi (centre de l’inconscient, synonyme des mots : âme, conscience, éveil). Mais, il semble que plus on connaît de choses en ces domaines complexes, plus l’incertitude s’intensifie. C’est la preuve que l’on avance. Celui qui sait tout stagne, rétrograde. C’est pourquoi le sage affirme : « Je sais que je ne sais pas, mais, ça je le sais.» Ce savoir m’apparaît comme le plus grand des savoirs. Il invite à la réflexion à la recherche et à l’humilité, c’est là souvent que s’infiltre la vraie connaissance de soi. Au terme de mes méditations, plusieurs mots ont envahi mon esprit : le mot bonheur s’est imposé. J’en ferai le sujet de mes prochains billets. Merci pour vos commentaires toujours positifs et inspirants.
A-t-on fait de la « méditation » un simple « produit » de consommation réservé à certains initiés ?A-t-on vidé la méditation de son sens premier et profond qui est d’être d’abord et avant tout un don, un cadeau du ciel, du moins en puissance offerte à tous ? A-t-on remplacé ce fond naturel, inné, par des formules et des techniques acquises? Ce faisant, n’a-t-on pas écarté ceux et celles qui ne croient plus avoir la capacité ou le moyen d’en jouir personnellement, naturellement, simplement ?
La méditation ne s’enseigne pas, tout au plus, peut-on transmettre une philosophie, des règles, des postures et des attitudes susceptibles d’aider à découvrir et utiliser ce don exceptionnel qu’est la méditation, de même, qu’on n’enseigne pas à danser, qu’ on ne fait que montrer des pas ; on n’enseigne pas la musique mais des notes qui vont bien ensemble et qui créent des mélodies; on n’enseigne pas à écrire, on enseigne des mots qui s’aiment et s’accordent entre eux pour mieux exprimer des sensations, des sentiments, des pensées et des intuitions. Il faut avant tout rendre à la méditationson intériorité sa vraie raison d’être, surtout sa simplicité. Il importe donc de distinguer l’inné de l’acquis, l’essentiel de l’accessoire, le contenu du contenant, saisir l’idée même du passage de la puissance à l’acte, de différencier ce qui dépend de soi et dépend d’un autre, en somme de rendre à César ce qui appartient à César et à Dieu ce qui appartient à Dieu : ce mouvement incarne la grandeur de l’humain. Je lis dans le psaume 8, 5-6 : « Tu l’as fait (l’homme) de peu inférieur à Dieu. Tu l’as couronné de gloire et de magnificence.» Il faut lire Pic de la Mirandole sur la dignité de l’Homme. Henri Bergson prétend que : « le monde est l’ensemble des conditions propres à faire surgir des âmes saintes : une machine à faire des dieux. » Saint Athanase écrit : Dieu s’est fait homme pour que nous devenions Dieu. » De son côté, Saint Irénée réaffirme que : « Dieu s’est fait homme pour que l’homme se fasse Dieu.» En somme, il est bon de se rappeler que : «rien n’est extérieur qui ne fut d’abord intérieur.»
Méditer est avant tout un don. Un don, en principe, c’est quelque chose de donné, un avantage naturel. Mais, il est effectif que s’il est accepté, pratiqué et partagé. Si on a le don de faire quelque chose comme peindre, sculpter ou danser, cela n’empêche pas qu’il faille trimer dur pour développer ce don. L’épanouissement d’un don implique le désir, le goût, la recherche, l’effort, la confiance et la persévérance (qualité de qui demeure ferme, sans assurance de succès) pour le faire naître en son âme et ensuite pour lui arracher ses secrets intimes par la méditation. Un don inné et acquis sont des frères siamois, l’un conditionne l’autre, séparés ils sont handicapés. Méditer a plusieurs synonymes tels que faculté (de facultas, capacité à faire quelque chose, disposition) ; capacité (propriété de contenir une certaine qualité de quelque chose) et aptitude (disposition naturelle).
Mais la méditation est bien plus que cela. L’action de méditer porte une force intérieure cachée, sinon voilée que l’on découvre petit à petit par la recherche et la pratique. C’est en se recueillant que l’on parvient à trouver sa propre existence, ce pour quoi l’on existe, ces propres valeurs, sa propre odeur, celle qui à la fois, nous distingue des autres et nous en rapproche. La méditation en quelque sorte nous offre la possibilité d’exister à ses propres yeux et aux yeux des autres, à découvrir que nous sommes quelqu’un, quelqu’un de bien, voire d’exceptionnel, simplement parce qu’on est là en chair et en os. Si ces mots choquent c’est qu’on n’a pas encore saisi la merveille, toute la profondeur de l’Être humain en soi. Chaque personne porte une grandeur qui le dépasse et qu’il tente rejoindre désespérément. C’est à travers la méditation qu’on découvre le poids et le prix de la Vie, de sa propre vie, l’essence de son être, des valeurs (avoir de la valeur), ces inspirations qui montent du cœur à la conscience comme un doux parfum. On devient responsable de sa rose comme l’annonce le mystique sans foi Saint Exupéry, amoureux de la nature, de la personne et de l’absolu dont il se fit le témoin inconditionnellement. On comprend dès lors qu’un humain fait partie d’un tout personnel, exceptionnel, universel et infini encore inexpliqué, trop souvent exploité : toujours en devenir. Ainsi, l’initié proche de cette intimité se remet à la pratique de la méditation, comme dans un retour vers soi. Il sent le besoin de remercier l’auteur de ce tout dont il ne peut ni ne veut être séparé. Il se remet à vivre c’est-à-dire à croire et à aimer, à entrer en amitié avec soi-même d’abord, puis avec les autres, et enfin il se surcentre sur plus grand que soi.
L’Art est une aptitude, un talent à faire quelque chose. Méditer, de méditari « c’est pratiquer un art de façon réfléchie, cette pratique qui enrichie tout l’être.
Comment peut-on comparer un bulbe vivant (billet No 4) et un être humain : sinon par l’âme. Le bulbe et l’humain portent la Vie, qui anime et alimente l’un et l’autre. Ces deux entités sont étroitement et formellement liées et redevables à ce principe immense : qu’est la Vie. La Vie de l’âme par laquelle tout s’enroule et s’articule. Le bulbe est mené inconsciemment à sa destinée, par instinct (penchant naturel), dont il ne peut échapper. L’âme, plus ou moins consciente, est éclairée par la conscience réfléchie, l’intelligence entière, l’affectivité et l’intuition active et révélatrice : en somme par la tête et le cœur déchirés entre avoir et être. Deux avenues souvent opposées contraintes de s’harmoniser pour parvenir à un plus.
Comme pour le bulbe, on pourrait découper l’humain en tout petit morceau sans y voir la vie, l’âme, le souffle, l’intelligence, l’intuition, l’amour, la joie et la tristesse. Pourtant, l’être humain est infiniment plus que tout cela. Au cœur de soi, dans le noyau de la vie, en son lieu secret, sacré et personnel habite l’âme (de anima, souffle) la plus extraordinaire des merveilles. D’elle émerge des possibilités impalpable, comme la possibilité d’aimer aimer et d’être aimé, anticipée (prendre en avance) par la création de soi par soi, qu’est la capacité humaine de créer du neuf, de l’inédit : de créer de l’être. (Qui n’a pas été produit encore). D’où cette idée de « l’homme nouveau ». Il importe de retrouver cette potentialité inhérente, en puissance, qui est une force vierge (marquant la différence qui habite chacun) en attente de soi. C’est là qu’on découvre précisément le moyen d’en vivre, d’en jouir, d’en faire profiter les autres, condition essentielle pour qui veut en profiter pour lui-même. D’où la règle donnée pour recevoir. N’est-ce pas, cela crée de l’être : être plus ? En s’élevant, en se grandissant, en s’atteignant (de attengere, toucher à), que l’individu peut cheminer vers son but. Par ce chemin, situé à la limite du terrestre et du céleste, l’humain rejoint (de jungere, atteler ensemble) son humanité et retrouve son immortalité (joindre un plus grand que soi) exprimée, en partie du moins, par le fameux Connais-toi toi-même et tu connaitras l’univers et les dieux, de Socrate qui date de 2500 ans. Henry Corbin contemporain renforce cette idée par : Celui qui se connait, connait son seigneur. Ainsi peut-on dire : le parfum est à la fleur, ce que l’âme est à l’humain ! À suivre.
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