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Monthly Archives: octobre 2019

L’IRRÉSISTIBLE BONHEUR

«On trouve toujours ce que l’on cherche. La réponse est toujours présente et, si on lui en donne le temps, elle se révèlera à nous.» Thomas Merton

J’ai écrit, billet 1, le Bonheur apparaît sur de nombreuses formes, c’est incontestable. On le retrouve sous plusieurs synonymes : contentement, bien-être, plaisir, joie, béatitude et gaieté, etc. Il me semble que l’on ne peut être heureux sans être content de soi, dans la mesure même où l’on essaie de s’améliorer jour après jour. Le bien-être présuppose une certaine satisfaction de soi, la possibilité d’être bien dans sa peau de tout son être. Cette vision est essentielle certes, mais, incomplète. S’efforcer de définir le Bonheur c’est refuser de le simplifier, et en même temps lui rendre son faste, sa double nature. Par son double aspect, le bonheur s’adapte et dépasse l’homme. Le bonheur apparaît pleinement humain que par sa complétude. Chaque aspect humain et surhumain du bonheur présente ses atouts : c’est à l’individu de choisir. Et choisir c’est opter entre ces deux biens le meilleurs.

Les deux aspects du bonheur sont complémentaires, mais ils ne se mélangent pas. Et fait, le bonheur peut être moins ou plus selon l’intérêt qu’on lui accorde. Il importe donc de montrer ce pour quoi le bonheur existe et spécifier : sa grandeur, sa noblesse, sa force, sa candeur, sa proximité, sa capacité d’émerveillement. Mais, surtout l’élan vital dont il est porteur. En somme, le Bonheur nous invite à entrer dans une dimension qui dépasse la raison et l’esprit humain, pour rejoindre le cœur et le corps. Quelque chose dans le bonheur nous échappera toujours. Il a ses raisons pour cela. Le bonheur, du moins en personnalogie, est un sentiment qui rejoint le naturel et le surnaturel : bienheureux serez-vous ! Le manque de bonheur peut être, dans certains cas, la plus cruelle des pauvretés humaines, source de multiples souffrances. Son absence est tristesse. Il signale un manque, un vide à combler. Là, le bonheur peut démontrer sa vitalité.

En personnalogie, on propose trois paliers pour circonscrire le bonheur : bien-être, mieux-être et plus être. Le bien-être peut devenir l’ennemi du mieux-être, en étant satisfait de ce que l’on est. On ne voit pas pourquoi on devrait aller plus loin. Ce bien-être devient privatif. Selon Maurice Maeterlinck « la sécurité est le plus grand ennemi des mortels.» Elle éloigne l’individu des efforts nécessaires pour atteindre un mieux-être. Pour moi, le mieux-être est le tremplin pour être plus. Être plus mène à un niveau supérieur. Henri Bergson constate que le temps se présente d’abord comme durée, c’est un flux continu, un devenir irréversible, spontané, non répétitif, imprévisible, créatif, ce qu’il qualifie d’élan vital. Apprenez écrit Pascal, « que l’homme passe infiniment l’homme ». Cette appréciation ascensionnelle est un moteur qui force la volonté, le désir de grimper vers des sommets où la vue est imprenable. C’est pendant cette ascension que le Bonheur se laisse entrevoir, percevoir. Ici, le préfixe per, signifie au-dedans de soi et vers l’avant, vers les autres. En chemin, on découvre, l’on reconnaît notre fragilité, nos limites, nos grandeurs aussi. De là, on accède à un autre monde en nous, qu’est l’inconscient personnel et collectif, et au tout Autre monde. Plus cette part de soi nous échappe, moins on a de contrôle sur ces dimensions en nous-mêmes. L’état de plus être nous laisse entrevoir la grandeur de l’être humain. On ne peut pas jouir du bonheur sans assumer et harmoniser ces deux dimensions de notre être : limites et grandeur, laideur et beauté. Le Bonheur serait appel, aimant, attraction qui nous sort de nous-mêmes et nous attire vers notre profondeur et vers le sommet. Ce sommet fascine, intrigue et exige des efforts. Mais, il éclaire, dynamise l’action et renforce l’âme. Le bonheur, on le sent, reste perfectible. Associé à la Vie porteuse du grand V, il nous permet de découvrir le sens de notre existence. Exister pour Bergson « consiste à changer, changer à se mûrir, se mûrir à se créer indéfiniment soi-même ». Cette force irrésistible, cet élan vital de tout l’être, correspond à l’éveil. Être plus est une aspiration inhérente, à un besoin d’absolu. Il est stimulé par la joie, par une quête de sa totalité, par un besoin de plénitude, de l’âme, de la conscience, de la pensée et du cœur. Ce besoin est spirituel, il peut, si l’on y croit, combler un vide inhérent mis là à dessein. Cet espace vacant parle au cœur, appelle l’âme. Voilà pourquoi Pierre Janet a pu écrire que l’angoisse conduit à l’extase, au nirvana pour Bouddha, à une forme de complétude,dont nous parlent avec abondance philosophes, poètes et mystiques de toutes allégeances. C’est comme un souffle à l’âme, une tendresse au cœur, une caresse au corps. Bonheurimpose en quelque sorte son identité, son originalité personnelle et unique.

En somme, le bonheur vrai serait plutôt un happening, un ressentiment, un devenir, qui prend forme doucement en nous. C’est un cheminement, un besoin de croissance. Son royaume serait plutôt l’imagination active et créatrice, appelée l’imaginal reliée à la mémoire, au mental, à la conscience. Le bonheur consiste à se ressouvenir, comme une espérance, un rêve de complétude : renaissance. Il nous rappelle le paradis perdu. Cette démarche suppose des efforts, une souffrance humaine, car visualiser une émotion désirable, mais inatteignable fait souffrir. Par ailleurs, l’acceptation de cette réalité, cette autre forme de vérité, engendre des joies que le bonheur reconnaît et sanctionne. La joie est héritière du bonheur, d’où l’idée d’une forme de paradis retrouvé. Le bonheur dépend donc aussi de notre façon de voir et de sentir. Le bonheur est un processus, capable de se métamorphoser, de devenir outré, plus ou moins. C’est pourquoi, quand l’idée du bonheur nous interpelle, il faut l’écouter attentivement avec les yeux de l’âme, du cœur et du corps. Le bonheur parle à l’être entier. C’est le message de Saint Exupéry et de Félix Leclerc dans leur quête du grand et du p’tit bonheur. Le Bonheur vient de loin. Il est murmure. Il surgit du tréfonds de soi. Il faut prévoir sa naissance. Accoucher de son bonheur, c’est le faire naître en son âme, en sa conscience, et s’en occuper sérieusement. Il faut accepter cette proximité, qui nous retient à la fois près et loin de lui. II faut lui permettre de vivre en soi simplement, car la vision du bonheur est plus ample que la nôtre. Lorsqu’il monte en nous, on le sent, on voit différemment. Il faut lui montrer de l’intérêt. Il exige toute notre attention et notre respect. Il sépare l’accessoire de l’essentiel. Avec notre accord, il écartera les fausses rumeurs à son sujet, les bruits inutiles, les inquiétudes. L’espace donné au bonheur fait place aux langages des dieux. Des dieux insaisissables et pourtant que l’on sent, sans que l’on puisse les saisir ni leur commander. Le Bonheur en soi une plénitude. Toutefois, s’approchant de notre nature, on peut l’appauvrir, mais il ne perd jamais sa force. Le bonheur ne connaît que le maintenant, l’ici, l’instant présent duquel il vient. Son royaume est l’éternité. S’il éloigne ou atténue certains malheurs, il ne les fait pas disparaître. Il les utilise à bon escient. Sa sagesse est proverbiale. Le bonheur est amoureux de l’être humain. Il présuppose la paix. Ce conseil de Lao Tseu « Si vous êtes déprimé, vous vivez dans le passé. Si vous êtes anxieux, vous vivez dans le futur. Si vous êtes en paix, avec vous-mêmes, vous vivez dans le présent ».

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Billet no1 : BONHEUR QUAND TU NOUS TIENS!

Avant-propos

Le bonheur est un sentiment indéfinissable, indispensable. Il révèle un ressenti sans frontière, recherché pour lui-même, inépuisable, controversé, galvaudé, puissant et commercialisé à outrance. Le bonheur (du latin sentire percevoir) reste un senti inatteignable en son fond même. Comme s’il était dédié à nous révéler autre chose, quelque chose d’inédit, un tout autre monde. Il se dévoile, plus ou moins, à ceux et celles qui l’accueillent pour ce qu’il est et pour ce qu’il signifie. (Synonyme de sens) Le bonheur porte plusieurs chapeaux, d’où la difficulté de s’en faire une représentation exacte et complète. Il est insaisissable en son essence même. Le bonheur, du mot bon, contraire de mauvais, et heur, du latin augurium, « présage du vol des oiseaux » donc, capable de s’envoler pour nous mener plus loin, plus haut. On comprend alors sa double nature, sa capacité de voyager entre un monde différent et complémentaire, entre le corps et l’âme, le cœur et l’esprit. Ces éléments sont contraints de s’harmoniser dans le plus grand respect de l’un et de l’autre, sous peine de passer à côté de l’essentiel : être heureux, c’est-à-dire bien dans sa peau de tout son être. Le bonheur unifié donne des ailes symboliquement.

Deux types de bonheur. Le bonheur humain caractérisé par la recherche de plaisir, bien que non négligeable, il reste fragile. Je pense au p’tit bonheur de Félix Leclerc, au bonheur illusion de Schopenhauer. Ce bonheur-là est limité. Il affectionne la jouissance, l’immédiat, particulièrement dans un monde où l’argent, le pouvoir, l’indifférence et l’ignorance de soi deviennent souffrance et révèle un manque à combler intérieur. Ce type de plaisirs permet tous les excès. Le deuxième type de bonheur est transcendant, il relève de l’esprit, sous-tend la joie, suppose une spiritualité.

Le Bonheur vrai se présente comme une récompense, apporte une sensation de bien-être, d’euphorie, une joie, qui apparaît après avoir réalisé quelque chose de bien, un but, un idéal pour soi et pour les autres. Comme si le bonheur venait couronner l’effort et le courage. On ne recherche pas le bonheur comme on se procure un objet. Il est produit de l’acte posé, il récompense l’action, l’œuvre accomplie, et nous indique par surcroit que nous sommes sur le bon chemin et qu’il faut continuer pour goûter d’autres bonheurs uniques.

Le bonheur on ne peut le posséder, c’est lui qui nous possède. On ne peut ni l’asservir ni s’en passer. Il a ses propres lois, qui sont gravées dans les cœurs. Il nous inspire et nous mène vers lui. Il se cache sous un nombre considérable de synonymes. Ses chemins sont multiples et nous signifient qu’on peut le trouver partout à condition qu’on le cherche désespérément là où il est, dans son lieu secret et sacré : au dedans de nous-mêmes. Le bonheur est un tremplin, qui nous élève au-dessus de soi-même, en nous gardant les deux pieds sur terre. C’est essentiel, pour qui veut éviter de prendre des vessies pour des lanternes. Il est difficile d’être heureux, sans être bien dans sa peau, sans être fier de soi, sans s’aimer soi-même, sans entrer en amitié avec soi-même et en empathie avec les autres.

Le bonheur est partout, il nous envahit, nous saisit, nous transporte, il reste vague, pour n mieux s’identifie à chacun. C’est comme un leurre qui nous attire vers un ailleurs non encore aperçu. Le bonheur ne s’explique pas, il se ressent, il est. Il est vivant, donc jouit d’une intelligence supérieure. Il a son heure, sa personnalité propre. On le sent quand il nous manque. On le cherche désespérément sans trop savoir où il se cache vraiment. C’est un piège-attirance. Il est en chacun de nous, mais on ne peut le localiser. Il ne tient pas en place, avance, avance encore. Impossible donc de l’arrêter. Il semble volatil, comme s’il voulait ailer les cœurs. Alors, comment le suivre dans ses repères et l’apprivoiser ? Sinon, me laisser pousser des ailes. Il me semble parfois plus près des anges que des humains. Ce n’est qu’une illusion. S’il paraît à la fois près et loin de soi, c’est qu’il nous dévoile sa vraie nature. C’est pour mieux nous faire entrer dans notre ignorance et nous livrer un savoir précieux. Le bonheur a des raisons que la raison ne connaît pas. Pascal s’y est buté avant de comprendre la grandeur du bonheur. Le bonheur ne change pas, c’est nous qui devons changer devant sa grande noblesse. Bien qu’il ait l’âge du monde, il est toujours jeune. C’est pour mieux nous confondre. Il se fait mystère pour mieux se révéler. Il entraîne et nous rend capables de passer de l’angoisse à l’extase. Et pourtant, on sait que ce qu’il veut bien nous révéler. Le bonheur a son siège dans l’inconscient, et dans le supra-conscient, en deçà de toute chose créée. Le bonheur dans son infinité dépasse l’imaginaire, qui est perçu comme la folle du logis. Et rejoint l’imaginal « ouvre sur une autre réalité celles des archétypes, qui nous donnent accès à une région de soi-même inconnue, qui reste interdite » voir à cet effet Henri Corbin. Sans cette faculté, l’humain n’est qu’une moitié de lui-même. Le mot Archétype nous renvoie pour sa part « au type primitif ou idéal, qui sert de modèle, de prototype, appartenant à l’inconscient collectif, pour lequel C.G. Jung est passé maître. Ouvrir le bonheur à sa vraie dimension serait montré le côté fini et infini, le clair-obscur, le voile qui recouvre l’âme de l’humain.

En somme, le bonheur en personnalogie, a une double dimension humaine et surhumaine. Il porte dans son sillage les mots heureux et bienheureux. Il s’adresse à la raison, mais il réside dans le cœur sans être ni l’un ni l’autre. Il est unique dans sa personnalisation. Il nous ressemble sans cesser d’être lui. Il est lié à un tout Autre. Personne n’a d’ascendant sur lui. Il se fait à la fois proche et éloigné. Il se métamorphose à l’infini. Il n’offre à personne les mots qui permettraient à quiconque de le qualifier. Il est intelligent, autonome et subtil. Il ne livre à personne ses secrets pour qu’il puisse en faire une marque de commerce, ce qui lui répugne, ce à quoi il s’oppose farouchement. Avis à tous les vendeurs de nuages, la beauté du produit n’est qu’apparence. Souvent, ces pseudos maîtres ne font qu’embrouiller les choses. Ainsi, personne ne sait de quoi il parle vraiment quand il parle du bonheur. Tous ces penseurs opèrent dans une tour de Babel. Le bonheur parle au cœur, lieu secret et sacré. Il s’offre à ceux qui le désirent et affectionnent l’intimité. C’est un maître pour l’élève, un ami pour l’assoiffé. Le bonheur est vivant. Les mystiques ne s’en cachent pas : le bonheur est tout ensemble humain et divin. Pour comprendre le bonheur, il faut savoir se taire, faire silence, écouter ce qui monte de soi, puis apprendre à échanger avec lui en toute amitié. Le bonheur se donnera par amour. Il ne résiste pas à l’amour. C’est son talon d’Achille. Lui parler avec amour, s’ouvrir au bonheur avec amour, c’est se rendre capable de lui. Le bonheur est là, laissons-le surgir du tréfonds de soi-même. Faisons-lui un lieu personnalisé. Consultons-le. Il n’y a pas de gourous, de maîtres à penser, de grands connaisseurs du bonheur. Le bonheur est présent au cœur de notre propre cœur, comme notre premier ami. Il est notre propre sentier. Confucius a dit : « Tous les hommes pensent que le bonheur se trouve au sommet de la montagne alors qu’il réside dans la façon de la gravir ». À vouloir personnaliser le bonheur, on le ramène à une dimension trop humaine, alors qu’il dépasse l’homme absolument, au centre duquel pourtant il brille et attend d’être accueilli dans l’intimité de l’âme, du cœur et du corps. À suivre.

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