BILLET No 6 MÉDITER : EST-CE UN DON OU UN PRODUIT DE CONSOMMATION ?
A-t-on fait de la « méditation » un simple « produit » de consommation réservé à certains initiés ?A-t-on vidé la méditation de son sens premier et profond qui est d’être d’abord et avant tout un don, un cadeau du ciel, du moins en puissance offerte à tous ? A-t-on remplacé ce fond naturel, inné, par des formules et des techniques acquises? Ce faisant, n’a-t-on pas écarté ceux et celles qui ne croient plus avoir la capacité ou le moyen d’en jouir personnellement, naturellement, simplement ?
La méditation ne s’enseigne pas, tout au plus, peut-on transmettre une philosophie, des règles, des postures et des attitudes susceptibles d’aider à découvrir et utiliser ce don exceptionnel qu’est la méditation, de même, qu’on n’enseigne pas à danser, qu’ on ne fait que montrer des pas ; on n’enseigne pas la musique mais des notes qui vont bien ensemble et qui créent des mélodies; on n’enseigne pas à écrire, on enseigne des mots qui s’aiment et s’accordent entre eux pour mieux exprimer des sensations, des sentiments, des pensées et des intuitions. Il faut avant tout rendre à la méditationson intériorité sa vraie raison d’être, surtout sa simplicité. Il importe donc de distinguer l’inné de l’acquis, l’essentiel de l’accessoire, le contenu du contenant, saisir l’idée même du passage de la puissance à l’acte, de différencier ce qui dépend de soi et dépend d’un autre, en somme de rendre à César ce qui appartient à César et à Dieu ce qui appartient à Dieu : ce mouvement incarne la grandeur de l’humain. Je lis dans le psaume 8, 5-6 : « Tu l’as fait (l’homme) de peu inférieur à Dieu. Tu l’as couronné de gloire et de magnificence.» Il faut lire Pic de la Mirandole sur la dignité de l’Homme. Henri Bergson prétend que : « le monde est l’ensemble des conditions propres à faire surgir des âmes saintes : une machine à faire des dieux. » Saint Athanase écrit : Dieu s’est fait homme pour que nous devenions Dieu. » De son côté, Saint Irénée réaffirme que : « Dieu s’est fait homme pour que l’homme se fasse Dieu.» En somme, il est bon de se rappeler que : «rien n’est extérieur qui ne fut d’abord intérieur.»
Méditer est avant tout un don. Un don, en principe, c’est quelque chose de donné, un avantage naturel. Mais, il est effectif que s’il est accepté, pratiqué et partagé. Si on a le don de faire quelque chose comme peindre, sculpter ou danser, cela n’empêche pas qu’il faille trimer dur pour développer ce don. L’épanouissement d’un don implique le désir, le goût, la recherche, l’effort, la confiance et la persévérance (qualité de qui demeure ferme, sans assurance de succès) pour le faire naître en son âme et ensuite pour lui arracher ses secrets intimes par la méditation. Un don inné et acquis sont des frères siamois, l’un conditionne l’autre, séparés ils sont handicapés. Méditer a plusieurs synonymes tels que faculté (de facultas, capacité à faire quelque chose, disposition) ; capacité (propriété de contenir une certaine qualité de quelque chose) et aptitude (disposition naturelle).
Mais la méditation est bien plus que cela. L’action de méditer porte une force intérieure cachée, sinon voilée que l’on découvre petit à petit par la recherche et la pratique. C’est en se recueillant que l’on parvient à trouver sa propre existence, ce pour quoi l’on existe, ces propres valeurs, sa propre odeur, celle qui à la fois, nous distingue des autres et nous en rapproche. La méditation en quelque sorte nous offre la possibilité d’exister à ses propres yeux et aux yeux des autres, à découvrir que nous sommes quelqu’un, quelqu’un de bien, voire d’exceptionnel, simplement parce qu’on est là en chair et en os. Si ces mots choquent c’est qu’on n’a pas encore saisi la merveille, toute la profondeur de l’Être humain en soi. Chaque personne porte une grandeur qui le dépasse et qu’il tente rejoindre désespérément. C’est à travers la méditation qu’on découvre le poids et le prix de la Vie, de sa propre vie, l’essence de son être, des valeurs (avoir de la valeur), ces inspirations qui montent du cœur à la conscience comme un doux parfum. On devient responsable de sa rose comme l’annonce le mystique sans foi Saint Exupéry, amoureux de la nature, de la personne et de l’absolu dont il se fit le témoin inconditionnellement. On comprend dès lors qu’un humain fait partie d’un tout personnel, exceptionnel, universel et infini encore inexpliqué, trop souvent exploité : toujours en devenir. Ainsi, l’initié proche de cette intimité se remet à la pratique de la méditation, comme dans un retour vers soi. Il sent le besoin de remercier l’auteur de ce tout dont il ne peut ni ne veut être séparé. Il se remet à vivre c’est-à-dire à croire et à aimer, à entrer en amitié avec soi-même d’abord, puis avec les autres, et enfin il se surcentre sur plus grand que soi.