L’IRRÉSISTIBLE BONHEUR

«On trouve toujours ce que l’on cherche. La réponse est toujours présente et, si on lui en donne le temps, elle se révèlera à nous.» Thomas Merton

J’ai écrit, billet 1, le Bonheur apparaît sur de nombreuses formes, c’est incontestable. On le retrouve sous plusieurs synonymes : contentement, bien-être, plaisir, joie, béatitude et gaieté, etc. Il me semble que l’on ne peut être heureux sans être content de soi, dans la mesure même où l’on essaie de s’améliorer jour après jour. Le bien-être présuppose une certaine satisfaction de soi, la possibilité d’être bien dans sa peau de tout son être. Cette vision est essentielle certes, mais, incomplète. S’efforcer de définir le Bonheur c’est refuser de le simplifier, et en même temps lui rendre son faste, sa double nature. Par son double aspect, le bonheur s’adapte et dépasse l’homme. Le bonheur apparaît pleinement humain que par sa complétude. Chaque aspect humain et surhumain du bonheur présente ses atouts : c’est à l’individu de choisir. Et choisir c’est opter entre ces deux biens le meilleurs.

Les deux aspects du bonheur sont complémentaires, mais ils ne se mélangent pas. Et fait, le bonheur peut être moins ou plus selon l’intérêt qu’on lui accorde. Il importe donc de montrer ce pour quoi le bonheur existe et spécifier : sa grandeur, sa noblesse, sa force, sa candeur, sa proximité, sa capacité d’émerveillement. Mais, surtout l’élan vital dont il est porteur. En somme, le Bonheur nous invite à entrer dans une dimension qui dépasse la raison et l’esprit humain, pour rejoindre le cœur et le corps. Quelque chose dans le bonheur nous échappera toujours. Il a ses raisons pour cela. Le bonheur, du moins en personnalogie, est un sentiment qui rejoint le naturel et le surnaturel : bienheureux serez-vous ! Le manque de bonheur peut être, dans certains cas, la plus cruelle des pauvretés humaines, source de multiples souffrances. Son absence est tristesse. Il signale un manque, un vide à combler. Là, le bonheur peut démontrer sa vitalité.

En personnalogie, on propose trois paliers pour circonscrire le bonheur : bien-être, mieux-être et plus être. Le bien-être peut devenir l’ennemi du mieux-être, en étant satisfait de ce que l’on est. On ne voit pas pourquoi on devrait aller plus loin. Ce bien-être devient privatif. Selon Maurice Maeterlinck « la sécurité est le plus grand ennemi des mortels.» Elle éloigne l’individu des efforts nécessaires pour atteindre un mieux-être. Pour moi, le mieux-être est le tremplin pour être plus. Être plus mène à un niveau supérieur. Henri Bergson constate que le temps se présente d’abord comme durée, c’est un flux continu, un devenir irréversible, spontané, non répétitif, imprévisible, créatif, ce qu’il qualifie d’élan vital. Apprenez écrit Pascal, « que l’homme passe infiniment l’homme ». Cette appréciation ascensionnelle est un moteur qui force la volonté, le désir de grimper vers des sommets où la vue est imprenable. C’est pendant cette ascension que le Bonheur se laisse entrevoir, percevoir. Ici, le préfixe per, signifie au-dedans de soi et vers l’avant, vers les autres. En chemin, on découvre, l’on reconnaît notre fragilité, nos limites, nos grandeurs aussi. De là, on accède à un autre monde en nous, qu’est l’inconscient personnel et collectif, et au tout Autre monde. Plus cette part de soi nous échappe, moins on a de contrôle sur ces dimensions en nous-mêmes. L’état de plus être nous laisse entrevoir la grandeur de l’être humain. On ne peut pas jouir du bonheur sans assumer et harmoniser ces deux dimensions de notre être : limites et grandeur, laideur et beauté. Le Bonheur serait appel, aimant, attraction qui nous sort de nous-mêmes et nous attire vers notre profondeur et vers le sommet. Ce sommet fascine, intrigue et exige des efforts. Mais, il éclaire, dynamise l’action et renforce l’âme. Le bonheur, on le sent, reste perfectible. Associé à la Vie porteuse du grand V, il nous permet de découvrir le sens de notre existence. Exister pour Bergson « consiste à changer, changer à se mûrir, se mûrir à se créer indéfiniment soi-même ». Cette force irrésistible, cet élan vital de tout l’être, correspond à l’éveil. Être plus est une aspiration inhérente, à un besoin d’absolu. Il est stimulé par la joie, par une quête de sa totalité, par un besoin de plénitude, de l’âme, de la conscience, de la pensée et du cœur. Ce besoin est spirituel, il peut, si l’on y croit, combler un vide inhérent mis là à dessein. Cet espace vacant parle au cœur, appelle l’âme. Voilà pourquoi Pierre Janet a pu écrire que l’angoisse conduit à l’extase, au nirvana pour Bouddha, à une forme de complétude,dont nous parlent avec abondance philosophes, poètes et mystiques de toutes allégeances. C’est comme un souffle à l’âme, une tendresse au cœur, une caresse au corps. Bonheurimpose en quelque sorte son identité, son originalité personnelle et unique.

En somme, le bonheur vrai serait plutôt un happening, un ressentiment, un devenir, qui prend forme doucement en nous. C’est un cheminement, un besoin de croissance. Son royaume serait plutôt l’imagination active et créatrice, appelée l’imaginal reliée à la mémoire, au mental, à la conscience. Le bonheur consiste à se ressouvenir, comme une espérance, un rêve de complétude : renaissance. Il nous rappelle le paradis perdu. Cette démarche suppose des efforts, une souffrance humaine, car visualiser une émotion désirable, mais inatteignable fait souffrir. Par ailleurs, l’acceptation de cette réalité, cette autre forme de vérité, engendre des joies que le bonheur reconnaît et sanctionne. La joie est héritière du bonheur, d’où l’idée d’une forme de paradis retrouvé. Le bonheur dépend donc aussi de notre façon de voir et de sentir. Le bonheur est un processus, capable de se métamorphoser, de devenir outré, plus ou moins. C’est pourquoi, quand l’idée du bonheur nous interpelle, il faut l’écouter attentivement avec les yeux de l’âme, du cœur et du corps. Le bonheur parle à l’être entier. C’est le message de Saint Exupéry et de Félix Leclerc dans leur quête du grand et du p’tit bonheur. Le Bonheur vient de loin. Il est murmure. Il surgit du tréfonds de soi. Il faut prévoir sa naissance. Accoucher de son bonheur, c’est le faire naître en son âme, en sa conscience, et s’en occuper sérieusement. Il faut accepter cette proximité, qui nous retient à la fois près et loin de lui. II faut lui permettre de vivre en soi simplement, car la vision du bonheur est plus ample que la nôtre. Lorsqu’il monte en nous, on le sent, on voit différemment. Il faut lui montrer de l’intérêt. Il exige toute notre attention et notre respect. Il sépare l’accessoire de l’essentiel. Avec notre accord, il écartera les fausses rumeurs à son sujet, les bruits inutiles, les inquiétudes. L’espace donné au bonheur fait place aux langages des dieux. Des dieux insaisissables et pourtant que l’on sent, sans que l’on puisse les saisir ni leur commander. Le Bonheur en soi une plénitude. Toutefois, s’approchant de notre nature, on peut l’appauvrir, mais il ne perd jamais sa force. Le bonheur ne connaît que le maintenant, l’ici, l’instant présent duquel il vient. Son royaume est l’éternité. S’il éloigne ou atténue certains malheurs, il ne les fait pas disparaître. Il les utilise à bon escient. Sa sagesse est proverbiale. Le bonheur est amoureux de l’être humain. Il présuppose la paix. Ce conseil de Lao Tseu « Si vous êtes déprimé, vous vivez dans le passé. Si vous êtes anxieux, vous vivez dans le futur. Si vous êtes en paix, avec vous-mêmes, vous vivez dans le présent ».

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Roger Simard
 

Personnalogue Conférencier

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