DIALOGUE 6 : LE SECRET DU BONHEUR
Dans le dialogue 4 (voir personnalogie.com), je notais : « Pierre et sa copine Pierrette semblent heureux. » Sembler, c’est « paraître, avoir l’air, donner l’impression de. Cette forme de bonheur serait logée au centre du moi conscient. Ce type de bonheur serait un leurre, assimilé aux petits plaisirs provisoires. Ce type de bonheur est plus fictif que réel. Il est construit ou inventé par le moi conscient qui ne représente que 10 % environ de la personne entière. Le Soi (l’âme, le cœur, l’esprit), l’inconscient personnel et collectif (C.G. Jung), l’inconscient transpersonnel, le supraconscient, (R. Assagioli) forment 90% environ de la personne, qui garde farouchement ses secrets. On n’a pas fini de découvrir la grandeur, les potentialités, les aptitudes, les dons et les richesses intériorisées. Le Soi dépasse l’imaginaire (appelé aussi la folle du logis), il rejoint l’imagination active et créatrice (H. Corbin), jusqu’à l’intuition : l’individu apprend ainsi à découvrir plus que soi en soi. Le soi personnel, selon Rogers, représente la façon dont un individu se perçoit ; le soi intime, intérieur et profond ; le soi social, ou l’image sociale de soi, incarnée par des personnages : chaque soi présente une facette de la personnalité. La personne serait comme une banquise qui ne montre qu’une faible partie de son volume total, le reste de la banquise est cachée. (Voir l’idée de banquise)
« D’où ma question, Pierre ES-TU HEUREUX ? » C’est quoi le bonheur? Le mot bonheur vient de « bon » contraire à mauvais et de « heur » du latin « présage, de bon augure, chance. Le bonheur est un sentiment. Un état affectif, plus ou moins durable, causé par une réaction à une représentation que l’on se fait de quelque chose. Représentation : action de rendre présent, de replacer devant les yeux, les vraies choses. Le bonheur n’est pas une réflexion de la pensée. Il est un ressenti. Un art de percevoir. De s’accommoder. De moduler ses désirs : d’accepter d’être humain simplement limité et changeant. Le bonheur ne vient pas de la pensée. Il est d’abord un besoin, un désir. Il se construit patiemment, par des actes concrets. Pas plus que l’on ne devient millionnaire en y pensant. Il faut s’engager, agir. Le bonheur on le ressent dans son être. Il s’identifie à soi. Il ne ressemble à aucun autre sentiment. Il est unique particulier avec un goût de revenez-y ! On le sait quand on est heureux. Cette sensation d’être en profondeur nous transporte d’enthousiasme, de joie tranquille, qui est tout autre qu’un simple plaisir. Le bonheur des profondeurs est une notion qui nous attire, nous soulève, nous dépasse, nous ravit, nous propulse vers un ailleurs inconnu. Il nous quitte comme il est venu sans crier gare. Il est lié à une autre forme d’être, fluide, mystérieuse, difficile à comprendre, qui n’a rien à voir avec le moi et le non-moi. Il est si prêt et si loin à la fois. On ne peut que l’imaginer : en rêver. Il passe sur l’âme comme l’oiseau suit le vent. Donc, le but du bonheur serait de nous conduire dans un ailleurs, au fond de nous-mêmes, pour nous conduire vers notre véritable finitude. Il est réminiscence. Chez Platon, souvenir d’une idée issue de la vie antérieure de l’âme dans le monde suprasensible. D’où proviennent la connaissance, l’énergie vitale et la force de percevoir et de comprendre ce que nous sommes en train de devenir (devenir : signifie arriver, se rendre, passer d’un état à un autre). Devenir implique donc une élévation, un changement : une seconde naissance : une renaissance : l’élan. La passion (signifie souffrance) et nous révèle notre double nature en quête fusionnelle. L’inaccessible ascension qui en découle est souffrances. Bouddha rappelle que la vie est souffrance. Que la cause de la souffrance est l’ignorance. La souffrance a-t-elle ici son utilité ? Je laisse K. Gibran répondre : « Plus profond le chagrin creusera votre être, plus vous pourrez contenir la joie. » C’est-à-dire qu’il faut d’abord descendre dans le puits le plus profondément possible, et remonter gorger d’un fluide magnifique : le bonheur.
En personnalogie, le bonheur présente un visage à trois dimensions :
- Bonheur de surface, les petits plaisirs d’occasions (le plaisir fut inventé par la nature pour la conservation de la vie, H. Bergson). Comme Le petit bonheur de Félix Leclerc, qui ne rassasie pas, mais nous invitent à la recherche au soin à donner.
- Bonheur de raison, qui présuppose l’acception de ses limites humaines inhérentes à notre nature même, associée au bon sens, à la capacité de savoir se contenter : sans abandonner sa quête pour autant. Bonheur associé à la joie. Où il y a de la joie, partout existe la création, du dépassement de soi : vers la plénitude.
- Bonheur des profondeurs : qui est l’Absolu de Bouddha. Bonheur des moines, des adorateurs perpétuels, des mystiques (relatif aux mystères philosophiques et religieux) du sacré, caché ou perdu, induit en principe dans l’âme. Bonheur des bienheureux que suggère Jésus : « Mon royaume n’est pas de ce monde. » Plusieurs y consacrent leur vie sans jamais l‘atteindre. D’autres l’accueillent gracieusement comme un don, comme une faveur offerte et acceptée. Bonheur qui mène à la nuit de l’esprit et des sens. (Saint- Jean de la croix). Bonheur d’Irénée : Dieu sait fait homme pour que l’homme se fasse Dieu. Bonheur divin, éternel : une vision qui explique un plus grand que soi ! Trois aspects contenus dans l’amour Éros et agapè :
- Amour de soi-même,
- Amour de l’autre,
- Amour d’un Tout Autre.
Cette méditation : Pour parvenir au bonheur il faut être content ! (du latin contentus, qui contient) donc, content de vivre et d’exister, content de sa nature humaine à la fois étroite dans son corps et large dans son âme, content de soi, de son travail, de ses relations, et aussi le désir de s’affirmer. Être content est une condition préalable : une forme de plénitude.
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Roger, personnalogue.