DIALOGUE 5 : PIERRE S’INTERROGE SUR LE SENS À DONNER À SA VIE
Pierre est dans la quarantaine. Il est dans une période où presque une moitié de son temps de vie a été utilisée. Il lui faut quitter ses illusions de jeunesse, prendre en compte ses limites et ses faiblesses, assumer ses divergences, ses erreurs et ses échecs, ses rêves déçus, sa souffrance humaine : l’humain souffre d’un manque de plénitude, qui engendre l’angoisse existentielle. La quarantaine : l’âge ou l’énergie et les capacités physiques et mentales déclinent. Pierre doit surveiller sa santé psychosomatique pour profiter de la vie1 : un don à valeur d’infinité. Avoir une bonne philosophie de vie s’impose pour Pierre. Il lui voudra apprécier son travail et les petites joies comme des cadeaux précieux. Dans cette tranche d’âge, c’est le temps de prendre soin de soi plus que jamais, de se ressourcer, de se prendre en main et de reconnaître sa beauté et sa grandeur humaine. Mais, tout est un peu mélangé dans la tête et le cœur de Pierre : on sent son besoin d’être rassuré et compris. À brûle-pourpoint, je lui demande : « Que cherches-tu Pierre au juste? » Il me répond :
- Découvrir un sens à ma vie,
- Un but dynamisant,
- Me réaliser comme personne,
- Bref, être heureux.
Comme toujours, je vérifie, et demande à Pierre : « As-tu vu ton médecin» ? Oui, tout va bien de ce côté. » Désires-tu rencontrer un psychologue ou un psychothérapeute ? » Pourquoi ? Je ne suis pas malade mentalement. Je suis bien portant. Je veux simplement me retrouver, me réaliser et ressentir une joie de vivre, avec bonheur. Est-ce trop demander ? « Non, ces besoins sont légitimes et ressentis par tous. Mais ils nous réservent bien des mystères ! »
- Le Bonheur universel et la vie bonne, sontreliés directement à la personne en quête de sa personnalité. Ils ontun début et une fin en soi. Dans certains pays, ils portent des noms différents : nirvana (extinction du cycle des réincarnations, du feu des passions), extase, bien-être, béatitude, ravissement, transe, enthousiasme, etc. Un idéal recherché, malaisé à cerner, aux frontières incertaines, aux promesses souvent illusoires
Les philosophes de l’antiquité le savaient déjà. Ils s’entendaient sur l’idée que chaque homme devrait être maître de sa vie, donc de son bonheur éventuel. Pour Épicure, « rien ne manque à celui qui est heureux. En effet, le bonheur se définit comme absence de douleur physique et psychique, plénitude du corps, et de l’âme, et incomparable à toute idée de manque.» Selon lui une personne qui a un besoin, un désir ne peut être heureuse, puisqu’une vie heureuse, accomplie, réussie serait une fin en soi. Les « moines » y consacrent leur vie entière, mais avec quel résultat ? Aristote affirme que le bonheur est le bien suprême : ultime que l’on cherche pour soi-même et non en vue d’un autre bien que l’on doit trouver par soi-même, en utilisant la raison et en établissant un bon rapport avec les autres. L’activité et la pensée, selon moi, ne suffisent pas à apprivoiser le bonheur. Parce que le bonheur est subjectif. Kant définit le bonheur comme une satisfaction des besoins et des inclinations (c’est-à-dire des désirs). L’idée du bonheur et de sa réalisation ne se rencontre donc jamais, le concept du bonheur ne peut être autrement qu’indéterminé, c’est un idéal, non de la raison, mais de l’imagination. » Voilà qui m’apparaît plus réaliste.
De par le monde, bonheur porte divers noms : nirvana, euphorie, extase, béatitude, plénitude, etc. Alors, comme personnalogue, je me fais la réflexion suivante : puisque le bonheur est une fin en soi, inatteignable ici-bas. Le bonheur est une récompense, une prime, une gratification d’occasion pour nos efforts répétés ! La recherche de bonheur ne serait-elle pas plutôt un leurre ? Puisse ce noble mobile, aux attraits puissants, nous pousserait à passer à l’action. Pour réaliser la promesse : celui qui cherche trouve. Ma question consiste à trouver les aptitudes capables de nous projeter vers ces petits bonheurs tant désirés, contrairement à la philosophie d’Aristide, qui commence par la fin. Pour nous, en personnalogie, le bien suprême, l’ultime bien dont tout dépend sur cette terre : c’est la vie.
- Sans la vie : plus rien.
- Sans l’épanouissement intégral de sa personnalité c’est compliqué.
- Sans la réalisation, l’actualisation, l’affirmation de soi : cela me semble irréaliste.
En personnalogie, ce but en trois dimensions devient l’art de tirer de soi plus qu’il y en avait, par des efforts conscients et continus. Ce processus produit une satisfaction qui laisse ressentir une forme de plénitude momentanée que l’on nomme : plaisir, bonheur, exaltation, joie. Ces sensations (sentiments, pensées, intuitions) sont comme une manne qu’il nous faut cueillir à temps, car elle est de courte durée. Chez l’humain, tout est toujours à refaire. Il y aurait donc complicité entre le début ponctué des trois éléments essentiels précisés plus haut, et la fin en soi qu’est le bonheur ultime recherché dont parle Aristote. Ils se soutiennent l‘un et l‘autre, l’un étant complice de l’autre. Comme les pépins de la pomme conduisent au pommier. Comme le bulbe et la fleur produisent le parfum. Comme le bonheur infini enfoui dans le bonheur fini : d’où l’espoir, l’optimiste et la confiance.
En guise de méditation, ce poème ou plutôt un koan japonais : « Le clair de lune pénètre profondément dans la mare, mais nulle trace ne reste dans l’eau. » Tout comme la vie et le bonheur en soi !
Que vous soyez en accord ou non, j’apprécierais vos commentaires sur le fond de ce texte. Merci
Roger, personnalogue.
1 La vie un sujet exceptionnel dont il me faudra aborder un de ces jours.